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Histoire d’une photo
Un jour que j’étais allée lui rendre visite, maman me fit cadeau d’un livre. Un livre qui pour moi représentait un véritable trésor. Un livre sur Burgaltendorf, le village où elle et moi étions nées.. Elle y avait passé toute sa jeunesse et m’y avait mise au monde. J’y ai habité jusqu’à mes deux ans et vu que toute ma famille maternelle allemande y habitait, j’y suis retournée souvent pendant ma propre jeunesse..
On imagine aisément l’émotion avec laquelle je feuilletais les 156 pages de ce livre, un peu de texte, mais beaucoup de photos.…
Soudain, à la page 55, un visage familier… comme un air de famille…
Je regarde mieux,
Et oui, mais oui! C’est bien Opa Theodor, mon grand-père allemand, là à gauche sur la photo. Il est jeune, beaucoup plus jeune que je ne l’ai connu. Et il est séduisant.
Ce n’est pas Opa chauve, mais il a plein de cheveux noirs et une énorme moustache.
Opa, quand maman est née, était cordonnier et avait un magasin de chaussures.
Là, c’est bien un magasin de chaussures devant lequel il se tient, mais ce n’est pas du tout la maison dans laquelle elle et moi sommes nées.
Maman m’explique que c’est la maison des parents de Christine.
Que le magasin de chaussures il l’a ouvert avec leur aide.
Il était tellement pauvre qu’il travaillait en plus dans une mine pour pouvoir faire vivre sa famille.
La femme qui se tient à côté de lui n’est pas Oma, ma Oma, mais sa première femme Christine. Christine, me dit maman, est morte d’une maladie aux poumons, sa dernière avait 6 ans tout juste, et l’ainé 13.
Sur la photo, devant Opa, c’est justement l’aîné, Hugo. Il se destinait à entrer dans la religion. Sans doute parce qu’il était doué pour les études et que mon grand-père n’avait pas l’argent pour lui en faire faire. Il est mort le 12 septembre 1918. A la fin de la guerre. Il avait 19 ans.
Entre Opa et Christine, la dernière c’est Elisabeth, la plus jeune. Cette photo a dû être faite 1 ou deux ans avant la mort de Christine. Elisabeth mourra d’un cancer.
Devant, à gauche Maria et à droite Paula que j’ai bien connue. Entre les deux, Joséphine qui était un peu simple.
Maman continue son récit…
De ses beaux-parents Opa avait reçu un terrain qui se situait dans la même rue. Sur ce terrain il fit construire sa propre maison, celle que je connais.
C’est dans cette maison que Christine est morte. Elle était partagée en deux, comme la première.
A gauche le magasin de chaussures avec l’atelier de cordonnerie. A droite une épicerie dans la quelle ma Oma était première vendeuse. Elle connaissait donc très bien la famille de Opa.
A la mort de Christine, Oma commença à s’occuper des enfants tous si jeunes encore et petit à petit apprit à connaître leur beau et ténébreux père…. ils se marièrent très vite, 1 an et deux mois après. Opa avait 40 ans et Oma 26.
J’imagine très bien que Oma devait être très amoureuse de lui…Il faut l’être pour épouser un veuf avec 5 enfants,
Pour ce qui est de Opa, on peut se poser des questions…, il avait grand besoin d’une maman pour ses enfants. Oma était attachante avait beaucoup de charme et une grande gentillesse. Mais a-t-il été séduit ? Opa racontait toujours, avec un regard malicieux, que lorsqu’il avait épousé Oma, il pouvait tenir sa taille entre ses deux mains…J’aime à croire que lui aussi avait été amoureux.
Ce qui est étrange dans cette histoire, c’est que maman et son frère jumeau ne naquirent qu’une fois les enfants du premier mariage élevés, 21 ans après le mariage.. Bien avant eux, il y eut un enfant mort-né dont l’accouchement fut dramatique.
C’était comme s’il avait fallu attendre pour ne pas prendre aux uns ce qu’on aller donner aux autres.
Opa survécu à ses deux femmes. Quand il partit, à l’âge de 93 ans, Oma était morte depuis 8 ans à l’âge de 71 ans