Quatre femmes
Parmi les X femmes admirables
De la famille maternelle de papa
Il y a dans mon arbre X femmes que j’ai trouvées admirables. X femmes dont la vie mériterait d’être racontée.
Mais dans la branche maternelle de papa, il y en a quatre qui m’ont interpellée et que je ne pourrai jamais oublier.
1- Jeanne GOUGEON : 1849/1897 (la grand-mère de ma grand-mère Madeleine Auburtin.)
« Je me suis mariée à 19 ans, bien trop tôt, mais j’étais si amoureuse. Et surtout j’étais enceinte de 5 mois. Nous étions domestiques tous les deux. En 23 ans j’ai mis au monde 7 enfants et j’en ai perdu aussi, morts très vite. Je me suis arrêtée de travailler à la naissance du premier, mais j’avais bien assez à faire avec tous mes enfants et le petit bout de terre que je cultivais pour nourrir ce beau monde. Nous n’étions pas bien riche Eugène et moi et j’ai toujours travaillé dur »
Jeanne n’avait que 48 ans quand elle est morte, Berthe, la mère de ma grand-mère Madeleine AUBURTIN, n’avait que 13 ans à la mort de sa mère, sa sœur en avait 16, leur frère 20 et les autres n’étaient pas très vieux.
2- Berthe CHANTELOU : 1884/1952
La mère de ma grand-mère Madeleine AUBURTIN
« Je n’avais que 13 ans quand maman est morte, c’est ma sœur Marie qui s’est occupée de moi. Je n’ai pas eu la chance de faire des études, à 16 ans, j’étais déjà cultivatrice journalière. J’étais « louée » à la journée.
Je me suis mariée encore plus jeune que maman. Je n’avais que 17 ans. Quand je me suis mariée avec Georges AUBURTIN le 22 octobre 1901 j’étais prête à accoucher, Jeanne est née le 12 novembre suivant !
C’est à Verrières-le-Buisson que le mariage a eu lieu, seul le père de Georges était présent, mon père ne s’est pas déplacé et nos mères respectives étaient déjà mortes.
Nous avons encore eu deux filles, Georges et moi. Madeleine, ta grand-mère, est née en 1904 et Georgette en 1907
Nous n’étions pas riches, tu penses, Georges était journalier comme moi, mais nous étions heureux.
Mais voilà, mon beau Georges la guerre me l’a pris. Le 19 octobre 1914 à Berles-aux-Bois un éclat d’obus dans le cœur me l’a tué. Nos filles étaient n’étaient pas bien vielles. Jeanne avait 13 ans, Madeleine 10 et Georgette 7.
Elles sont devenues pupilles de la Nation, mais c’était loin de suffire pour les élever.
Comme moi, elles ne sont pas restées longtemps à l’école elles ont dû travailler.
Cela ne les empêchait pas d’être joyeuses et d’aimer la vie. Comme moi, elles aimaient par-dessus tout danser.
Madeleine, ta grand–mère a suivi mes traces, elle s’est mariée jeune elle aussi, elle n’avait que 18 ans et était enceinte de 5 mois.
J’avais réussi, à force de privations, à acheter des terrains et de journalière j’étais devenue cultivatrice. On venait des halles de Paris m’acheter mes fruits et légumes et on adorait ma cuisine, surtout ma blanquette de veau. J’avais mis une annonce dans un journal et Antoine a répondu. Il était cantonnier.
Nous nous sommes mariés en 1919 et m’a vie a été un peu plus facile. Il m’a beaucoup aidé. Il m’a aimée et soutenue, pourtant entre temps j’étais devenue obèse. Je mangeais pour me donner du courage, pour me consoler et aussi parce que faire la cuisine était un de mes talents
Mais je n’en avais pas encore fini avec le malheur. J’avais 50 ans quand ma Georgette, qui dansait beaucoup malgré son cœur très malade, est morte d’avoir trop dansé un soir. »
Berthe mourra à 68 ans, obèse, dans sa maison de Verrières-le-Buisson dont elle ne bougeait plus. Sa fille Jeanne s’en occupait. Mes parents lui rendirent visite un jour, mais elle était devenue méfiante et peu bavarde.
3- Madeleine AUBURTIN : 1904/1991(ma grand-mère)
«Quand mon père est mort à la guerre, je n’avais que 10 ans. Cela nous a beaucoup marqué mes sœurs et moi.
Maman avait beau tout faire pour que la joie de vivre ne quitte pas notre petite maison de Verrières-le-Buisson, c’était très dur.
J’aurai bien aimé rester à l’école, mais voilà, ce n’était pas possible. Maman avait besoin d’aide, elle était journalière et ça ne rapportait pas beaucoup.
Après avoir été moi aussi journalière j’ai trouvé à travailler à Paris dans la fabrique d’étiquettes Puaud. C’est là que j’ai connu Robert qui est tombé amoureux de moi ; Tu penses il venait de Clichy à pied pour venir me voir. Plus de 4 heures de route et autant au retour. Je n’étais pas très dégourdie et maman ne m’avait rien expliqué de la vie et des choses de l’amour. Je me suis retrouvée enceinte sans avoir compris ce qui m’arrivait et j’avais à peine 18 ans quand je me suis mariée par la force des choses.
La fin de ma grossesse s’est plutôt mal passée, je vomissais tout le temps et Raymond était en danger de mourir quand il est né. Il a eu un baptême d’urgence. J’ai dû le laisser en pension chez maman, on travaillait tous les deux et notre logement était en demi-sous-sol. J’étais très triste et il m’a beaucoup manqué. Je n’avais même pas de lait pour l’allaiter, tellement j’étais dénutrie à l’accouchement. C’est ma sœur Jeanne qui l’a allaité en même temps que sa fille. J’étais heureuse pour lui, mais ça me faisait très mal quand même et du coup j’ai toujours été un peu jalouse de Jeanne.
Je n’ai jamais plus été enceinte, Robert ne voulait pas à cause de la manière dont s’était passée ma grossesse. Toute ma vie j’en ai été malheureuse. J’aurai tant aimé d’autres enfants.
Raymond avait déjà dans les 8 ans quand enfin nous avons pu le prendre avec nous. C’était le bonheur.
Mais le temps passe trop vite. Robert avait déjà fait la première guerre mondiale, et été fait prisonnier, que le voilà reparti à la seconde et refait prisonnier. Et voilà que mon Raymond doit partir au Service du Travail Obligatoire en Allemagne
Comme j’ai eu peur, comme je me suis fait du souci.
C’est là qu’il a connu son allemande. Ce n’a pas été facile à accepter. C’est vrai. Et on n’a même pas pu être présents à leur mariage ;
Mais après ils ont eu 4 enfants et Robert et moi en avons été très heureux. »
Ma grand-mère perdra la tête à la mort de Robert et, c’est placée en long séjour dans l’hospice de mon patelin qu’elle va passer ses dernières années, m’appelant du nom de la fille de sa sœur Jeanne et pensant que Robert et Raymond allaient bientôt revenir de la guerre.
Marie LESCENT : 1861/1882 (grand-mère paternelle de ma grand-mère Madeleine AUBURTIN)
Madeleine n’aura pas connu Marie LESCENT mais je tiens à lui rendre hommage ici.
Marie n’a que 15 ans quand Auguste AUBURTIN la séduit et la met enceinte. Lui-même a 24 ans quand il l’épouse.
Leur fils Georges, futur mari de Berthe, naîtra 6 mois et demi après.
Le jour de son mariage avec Auguste, Marie ignore qu’il avait déjà séduit à Obernai, une autre jeune femme, Philippine. Il était alors verrier, avait 20 ans et sera déjà envoyé par ses parents à Le-Mesnils-Saint-Firmin sans savoir qu’elle accouchera à 19 ans de leur fils Joseph.
Marie accouchera encore, a 19 ans, d’une petite Marguerite avant de mourir alors qu’elle n’avait que 20 ans. Marguerite sera élevée par les parents de Marie
Auguste épousera Philippine, reconnaitra leur fils Joseph et aura un autre fils avec elle.
Pauvre petite Marie, morte si jeune, dont la famille ne gardera en mémoire que le nom, sans même savoir où elle aura été enterrée, et sans même connaître l’existence d’une Marguerite, qui mourra seule à Paris.
Ces quatre femmes, après avoir découvert leur vie, leurs joies, leurs souffrances je ne pourrai jamais les oublier